Cognitions sociales : Stéréotypes, l'exemple du handicap physique
- Aurélie Castillo-Pereira
- 26 janv.
- 3 min de lecture
En dépit de la loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », visant à améliorer leur participation citoyenne et leur insertion socioprofessionnelle, les personnes en situation de handicap demeurent défavorisées en matière d’emploi en dépit des dispositifs législatifs.
Des études expérimentales en Psychologie sociale ayant comparé la perception des candidat(e)s en condition “valides” ou “handicap physique” ont montré qu’à compétences égales, les candidat(e)s dont le CV comportait la mention “handicap” avaient significativement moins de chance d’être recruté(e)s, victimes ainsi d’un phénomène discriminatoire.
Il s’agit d’une mise à l’écart sur la simple base d’une particularité catégorielle perçue et d’une appartenance groupage (ici le handicap physique).
Il faut cependant noter que ces travaux se sont surtout focalisés sur une forme particulière de handicap : le handicap physique, comme par exemple la perception visuelle d'une personne en fauteuil roulant.
Or, les attitudes et comportements à l’égard des personnes en situation de handicap peuvent varier considérablement selon la nature de la déficience . Ainsi, les personnes en situation de handicap physique sont généralement évaluées plus positivement que les personnes qui ont une déficience mentale ou neurologique.
La notion de perceptions catégorielles est ici importante car les stéréotypes nous informent de la façon dont on perçoit le monde par un découpage structuré de l’environnement social.
Pourquoi un tel découpage ?
Initialement, le processus de catégorisation est issu des travaux de psychologie cognitive sur la perception visuelle de la réalité physique.
Le système cognitif des individus n’étant pas en capacité de traiter l’abondance des informations de l’environnement doit, afin d’éviter la saturation cognitive, simplifier la réalité dans le but de s’en saisir avec plus de facilité.
Il en va de même pour la réalité sociale.
Les stéréotypes s’apparentent ainsi à des raccourcis mentaux pour se forger une impression rapide d’autrui.
Les stéréotypes interviennent de façon incontournable dans le processus perceptif humain puisque nous les utilisons pour organiser notre perception de la réalité sociale.
Ils sont des catégories descriptives simplifiées par lesquelles nous cherchons à situer autrui ou des groupes d’individus.
Leur contenu est constitué d’un ensemble de croyances construites socialement, fonctionnant comme des filtres entre la réalité objective et l’idée que l’on s’en fait.
Le processus de catégorisation sociale n’est pas aléatoire et intervient toujours dans un contexte socioculturel donné acquis à travers l’éducation, la transmission socio-culturelle des croyances, les interactions avec autrui, l’exposition à certains médias, ect.
Les stéréotypes sont liés à notre identité sociale. Dès lors que deux individus interagissent, c’est aussi des éléments internalisés de leur groupe social qui se rencontrent.
La place qu’occupe un individu dans la société, son rôle ou encore son statut vont activer des éléments de connaissances en fonction du groupe social qui lui est attribué.
Cette perspective suppose qu’il y aurait, immédiatement dans la rencontre avec autrui, une activation des stéréotypes et des préjugés (à valence positive ou négative) liés à la connaissance que nous avons de son groupe.
En quelques traits, les stéréotypes permettent de dresser un portrait opérationnel d’un groupe cible et supposent de servir de guide pour l’action car ils permettent aux individus de savoir quelle conduite tenir face à la cible.
Mais ce processus implique une déformation de la perception de la réalité au travers d’un double biais cognitif :
l’assimilation et le contraste
L’assimilation consiste a exagérer les similarités entre les membres d’une catégorie (“ les touristes sont tous(es) impoli(e)s ”) et le contraste consiste à percevoir les différences entre les membres de catégories différentes comme plus importantes qu’elle ne le sont réellement.
Conséquences : on perçoit le “nous” et les membres de notre groupe comme davantage différents des uns des autres (biais d’hétérogénéité de l’endo-groupe), alors que “eux” sont toustes pareils (biais d’homogénéité de l’exo-groupe).
Les membres de l’autre groupe seront donc perçus comme étant interchangeables et plus susceptibles d’être englobés dans des stéréotypes, de subir des comportements discriminatoires et de la stigmatisation sociale.
Bibliographie :
Stéréotypes, préjugés et discriminations : Fisk, 2008
Stéréotypes en tant que filtres de perception : Légal & Delouvée, 2008
Stéréotypes et cognition sociale : Leyens, Yzerbyt & Scharden, 1996
Variations des attitudes et des comportements en fonction de la nature du handicap : Stone & Colella, 1996
Evaluation davantage positive pour le handicap physique, comparativement au handicap neurologique : Gouvier, Sytsma-Jordan & Mayville, 2003
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