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Expérience de la maladie grave

La vie amène certaine personne à vivre différentes adversités tel que de devoir faire face à l’expérience de la maladie grave. Une définition de ce à quoi correspond la maladie grave n’est pas simple, d’autant qu’une maladie chronique, même controlée et suivie, peut comporter des stades d’évolution successifs qui peuvent marquer une gravité croissante en termes d’incapacité et de risque de décès.


Par exemple, une angine de poitrine qui n’active pas les mêmes représentations liées à la mortalité qu’un cancer en stade 4 peut quand même entrainer un infarctus du myocarde, lui-même pouvant entrainer une insuffisance cardiaque mesurée en 4 stades de gravité.


Parler de maladie grave revient donc à aborder une grande diversité de situation de santé.


Maladie grave : de quoi parle-t-on ?


Il existe un certain nombre de définitions des maladies graves. Pour le Medical Subject Headings (en l'état actuel, le MeSH est à ce jour le répertoire structuré faisant référence en sciences biomédicales), une maladie grave correspond à un état de santé caractérisé par une perturbation plus ou moins grave des processus vitaux de l'organisme, un syndrôme médical regroupant de multiples maladies ayant des stades évolutifs à fort risque de perte d'autonomie et/ou de décès.


Parmi les différentes maladies susceptibles de rentrer dans cette définition, nous pouvons citer les maladies telles que les cancers, les maladies chroniques (BPCO, maladie de Crohn...), certaines maladies auto-immunes (sclérose en plaques...), les maladies neurodégénératives (maladie de Charcot...), ou encore les maladies rares (en France, d'après le Ministère de la Santé et l'INSERM, les maladies sont dites rares quand elles touchent 1 personne sur 2000).


Elle se caractérise par une perturbation grave des processus vitaux en charge de la sauvegarde de l’organisme et de son adaptation au milieu, et place un individu devant un risque élevé de mort et de grande vulnérabilité.


De ce point de vue, nous pouvons dégager un élément central dans l’expérience de la maladie grave : le fait qu’une personne réalise qu’elle risque réellement de mourir dans un délai plus ou moins rapproché est tout-à-fait différent de savoir qu’elle est mortelle.


La maladie grave est donc une expérience singulière, de l’ordre de l’adversité de vie. L’idée d’adversité et d’épreuve provient du fait qu’elle mobilise fortement les stratégies d’adaptation tout en testant la résistance d’une personne à faire face à l’insupportable, puisqu’elle n’y était pas préparée. Il apparaît donc que les apprentissages antérieurs, les acquis de l’expérience, d’habitude efficients, s’avèrent désormais insuffisants et risque de faire éprouver à la personne un sentiment d'impuissance.


Par voie de conséquences, la maladie grave représente un bouleversement de l’état de santé globale et donc de l’équilibre psychologique. Cette adversité plonge une personne ordinaire dans des conditions radicalement différentes de celle de sa vie habituelle, menace directement son existence et, secondairement,  celle de ses proches dans une certaine mesure, notamment si cette personne est en charge d’autre individu (comme des enfants et/ou des proches vulnérables).


Se trouver confronter à la maladie grave pose ainsi la question de l’adaptation à cette nouvelle vie qu’elle impose. Cette adaptation est multiple, en induisant des changements tels que les personnes concernées ne disposent pas toujours des ressources nécessaires. Ces ressources peuvent être matérielles, professionnelle, psychiques, sociales et symboliques.


Pour autant, la notion de capacité d’adaptation en situation de maladie grave prend un relief crucial et doit davantage se percevoir comme un mécanisme de survie et non pas comme un simple ajustement. Dans notre contexte, l’adaptation consiste à faire face à un risque effectif de mort et cela n’est pas réductible à une simple question de gestion de stress en situation de crise…



Bouleversements en jeu



1. Changement de la perception de soi et du monde


Les bouleversements concernent également notre manière de percevoir les événements et notre propre vie qui menace de s’effondrer. Notre rapport au monde et à nous-même se retrouvent aussi chahutés, tout comme notre système de valeurs pouvant donner l’impression aux personnes concernées qu’il y a « un avant et un après » l’expérience de la maladie.


Cet avant et après est lié à la façon dont la maladie s’invite par effraction dans votre propre maison, sans demander la permission, et induit une rupture au sein du cours normal de la vie.


La maladie grave bouleverse donc aussi l’expérience même de vivre.



2. Passage d’un sentiment d’identité sociale de « bien portant » à celui de « malade »


Du fait de leur confrontation à la mort, les personnes concernées par la maladie grave se retrouvent parfois dépouillées de leurs coquilles sécurisantes qui leur assuraient stabilité et estime de soi. A cet ébranlement du sentiment d’identité qui nous insérait dans des trames de la vie ordinaire, qui consolidait notre image sociale, s’ajoute le sentiment de déstabilisation puisque cet ébranlement de l’identité est aussi un dévoilement de ce qui s’était construit socialement à travers la conformité aux normes et aux attentes sociales implicites.


La maladie correspond donc ainsi à l’entrée dans une autre expérience sociale marquée par le changement de rôles sociaux, qui opère de façon globale le passage d’une identité d’individu « bien portant », « valide », à celle de « malade ».


Ce nouveau rôle social est lui soumis à de nouvelles règles de conformité, liées au rythme des soins ainsi qu’à leur compliance/adhésion qui, là encore, amène la mobilisation de certaines capacités d’adaptation. C’est aussi à partir du moment où la maladie entraîne des transformations importantes (ablation, mastectomie, handicaps majeurs, prothèse…), qu’on observe une modification du sentiment d’identité.



3. Remise en cause fondamentale du sens de la vie


La maladie impose des changement aussi lié à une remise en cause du sens de la vie et de nos relations aux autres. Cette remise en cause des valeurs sur lesquelles la vie reposait doit subir des réajustements.


Les valeurs ne sont pas seulement des jugements sur la réalités extérieure ou sur nous-mêmes, ni de simples croyances perçues comme désirables et auxquelles on adhère. En réalité, les valeurs apparaissent d’abord comme des raisons de vivre qui organisent les perceptions, les croyances et autour desquelles se construit l’image de soi. En d’autres termes, les valeurs sont comme des socles qui fondent une existence sur un certain nombre de repères perçus et vécus comme essentiels par chacun.


Chacun se construit au cours de son existence une philosophie de la vie qui se trouver ébranler par la maladie, celle-ci opérant un basculement radical de valeurs matérielles (standing, statut social, compétition, performance…) au profit d’autres, plus immatérielles, mais qui deviennent essentielles (telles que l’amitié, l’affection, le prix des choses simples, l'importance de l'hygiène de vie, du prendre soin de sa santé, de ralentir le rythme…).



4. Relation au mourir


La maladie grave est l’une des expériences humaines où se révèle de manière spécifique la fragilité de l’existence, elle se manifeste dans le fait que quelqu’un réalise qu’il va réellement mourir, c’est-à-dire qu’il est en sursis, que le temps est compté, mais qu'il y a un délai, si minimise soit-il, signifiant qu’un espoir qu’il se retourne advienne. Ce retournement peut comporter deux aspects : d’une part il peut laisser du répit à la personne malade qui a ainsi la possibilité de réaliser des choses (voir des amis, se réconcilier avec quelqu’un, attendre la naissance d’un enfant…), et d’autre part, il donne la possibilité de faire l’expérience d’un certain lâcher-prise.



5. Une vie sociale et intime empêchée


La maladie grave, pourvoyeuse de handicap et parce que le quotidien se retrouve désormais organisé par les soins, constitue un obstacle à la possibilité de maintenir et de développer des relations sociales. Le fait de sortir voir des amis, s’occuper de ses enfants ou de ses petits enfants, maintenir une vie intime et sexuelle, avoir une activité physique, artistique, associative, sont autant de plaisirs de la vie que l’état de santé amène parfois à renoncer.


Cet isolement social induit par la maladie est aggravé quand, à la maladie physique, s’ajoute une altération de la santé mentale qui retire l’envie même de socialiser (nous parlons ici de l’anhédonie, à savoir la perte de la capacité à ressentir du plaisir pour les activité qui initialement en procuraient). Ce phénomène s’observe dans un certain nombre de troubles psychiques, et particulièrement dans la dépression.



6. La douleur, la fatigue, les effets secondaires comme frein à la vie sociale


En fonction de la maladie et de ses impacts, le quotidien peut s’avérer marqué par les soins, ou les douleurs qui varient parfois au jour le jour. Certaine personne, découragées et par crainte que la douleur s’active au moment du sortir du domicile, adoptent des comportements d'évitements de la vie sociale et peuvent passer la vie enfermées au domicile. Un renoncement à la vie sociale s’impose alors  pour se préserver induisant un cercle vicieux imposé à la personne. Parfois, la maladie implique aussi l’utilisation de matériel de compensation du handicap tel qu’un fauteuil roulant, mais cette mesure se heurte à un manque d’accessibilité aux personnes à mobilités réduites au sein de la société dans son ensemble. La charge mentale induite par l’anticipation et l’organisation des parcours induit aussi une forme de renoncement à la vie sociale.



7. Trajectoires professionnelles et scolaires mises à mal


De nombreux travaux ont mis en évidence les difficultés des personnes ayant été confrontées à la survenue d’une maladie et/ou d’un handicap dans leurs sphères de vie professionnelle et/ou scolaire/universitaire.


Dans le pire des cas, une mise en pause de son parcours professionnel ou de formation s’avère nécessaire, aggravant davantage les possibilités de socialisation et l'état de la santé mentale (baisse de l’estime de soi, sentiment d’impuissance et de désespoir, baisse de l’humeur et/ou, au contraire, irritabilité, colère et sentiment d’injustice…).


Cette mise en pause n’est pas sans comporter sont lot de difficultés supplémentaires, puisqu’elle induit une véritable rupture scolaire/professionnelle. Dans d’autres situations, la maladie n’étant pas en adéquation avec l’environnement professionnel provoque des obligations de réorientations professionnelles qui ne vont pas de soi.


Ces événements de santé impliquent donc aussi des parcours hachés et instables que les personnes se passeraient bien de justifier auprès d’un recruteur par crainte de ressentir de la honte, d’être jugées, voire pire, d'être discriminées et perçues comme potentiellement moins performant(e)s.


Le maintien dans l’emploi est également mis à mal en raison des arrêts travail qui peuvent induire des licenciement pour inaptitude ou des passages à la retraire anticipée donc les conséquences secondaires s'avèrent financières.



8. L’expérience de la maladie grave comme dévoilement de ressources insoupçonnées


L’expérience de la maladie, avec tout ce qu’elle implique d’insupportable, peut aussi s’avérer un moment de la vie susceptible de faire grandir un individu en lui permettant d’accéder à de nouvelles formes de compréhension de ce qu’ils est, ainsi qu’à une nouvelle conception du monde et de son rapport à ce dernier. L’ensemble de ces processus cognitifs amèneraient l’individu à mobiliser des ressources intérieures, revisiter progressivement son mode de vie, ses croyances et ses buts.


Nous retrouvons ici une rupture entre l’avant et l’après, ce qui pousserait à des questionnements existentiels et des buts qui existaient avant l’événement de santé mais qui aujourd’hui ne le sont plus.


La refonte des buts, remaniement des croyances et attentes de la vie peut être possible en fonction de cette nouvelle réalité. Parfois, cette phase peut être l’occasion de réviser et déconstruire d’anciens schémas cognitifs, comportementaux et relationnels dysfonctionnels. Ce remaniement de soi est adaptatif et remet la personne dans une posture proactive en mesure de se révéler aux sujets de la vie et d’elle-même qu’elle n’aurai pas pu envisager sans la survenue de ces moments d’adversité. Loin d'en faire une expérience à vivre, la maladie peut être une voie possible d'une forme d'accroissement personnel dans certaines dimension du sentiment de soi (rapport à soi, au monde, développement d'une certaine spiritualité, découverte de nouvelles activités, changement radical de l'hygiène de vie, retour à l'essentiel...).


Bibliographie


  • Fischer, Traité de psychologie de la santé, Dunod, 2002

  • Fischer, Tarquinio et Dodeler, Les bases de la psychologie de la santé, Dunod, 2020

 
 
 

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